Rencontre avec la comédienne Marie-Claire NEVEU pour son spectacle HépatikGirl
Pour la 27ème newsletter, FILFOIE a eu l’honneur d’interviewer la comédienne Marie-Claire Neveu qui a créé un spectacle inspiré de sa vie et de son expérience avec les maladies rares du foie.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis comédienne, autrice, productrice… Disons artiste pluridisciplinaire. J’ai toujours fait de la musique et du théâtre, puis je me suis formée à la production, au scénario et à la réalisation audiovisuelle. Après mes études j’ai d’abord travaillé sur les tournages avant de revenir à la scène. En 2015, j’ai monté la Compagnie de l’Armoise avec d’autres artistes. J’ai tourné un premier solo (Nina, des tomates et des bombes) et je développe aujourd’hui un nouveau seule-en-scène : Hépatik Girl.
Vous êtes vous-même touchée par les maladies rares du foie. Serait-il possible de nous en dire plus ?
Je suis atteinte en effet d’une CSP + HAI, ainsi que d’une MICI. J’ai été diagnostiquée à l’âge de 14 ans après une batterie d’examens. Suite au diagnostic, il y a eu nécessairement un traitement, des effets secondaires, des examens, et le quotidien a été chamboulé : mon rapport au corps, à la mort, à la vie, à l’alimentation, à la médecine, au monde, à la Terre… Aujourd’hui, je vais bien, j’ai beaucoup de chance, les pathologies sont, pour le moment, stabilisées.
Ces pathologies ont inspiré fortement votre nouveau spectacle « Hépatik Girl », pouvez-vous nous parler de ce dernier ?
J’aime, pardonnez-moi l’expression, « faire de l’or avec de la merde », littéralement parlant… Avec Hépatik Girl, j’ai choisi de m’emparer de mon expérience personnelle de la maladie et de la transformer en geste théâtral pour en faire un récit commun. Je me suis associée à Tatiana Gousseff qui a co-écrit avec moi le texte et qui le met en scène. Le spectacle aborde la cohabitation avec ces maladies auto-immunes, chroniques, inflammatoires, souvent invisibles, questionne leur arborescence de causes et d’effets, et soulève la question de la protection de l’environnement. Le spectacle mêle humour et émotion, dans un texte où s’invite parfois la danse et le slam.
Quel a été le plus grand défi dans la création de ce spectacle ?
L’écriture et sa forme. Il a fallu trouver la juste distance pour me décoller de ma propre histoire, laisser place à la théâtralité, veiller à ne jamais tomber dans la complaisance, ne pas forcer le rire à tout prix non plus, et ouvrir le sujet afin de permettre à tout un chacun de se retrouver par endroits. La co-écriture a été essentielle pour tout cela. C’est un très gros travail, en dentelle, de texte, de direction et de jeu.
Quels sont les messages clés que vous voulez faire passer ?
Avec Tatiana Gousseff, nous parlons d’un corps qui grandit avec et malgré des maladies silencieuses, nous détaillons à quoi le corps sensible est confronté socialement et intimement, mais aussi nous questionnons les solutions thérapeutiques à une époque où on ne peut plus ignorer que la qualité de l’alimentation et l’environnement ont un réel impact sur notre santé. Dans nos sociétés occidentales, la prévalence de certaines maladies inflammatoires et auto-immunes augmente.
Le spectacle dénonce également combien « être malade » peut devenir un argument de discrimination dans nos sociétés, par exemple à l’occasion d’une recherche de prêt immobilier et du questionnaire médical alors imposé. La loi a un peu changé en 2022, c’est louable, mais le questionnaire médical n’est pas complètement supprimé, c’est une profonde injustice. C’est double peine pour les patients pour qui il n’y a pas de considération du dossier au cas par cas. Bref, comme je le dis dans le spectacle : « pour vous assurer en cas de problème les assurances s’assurent d’abord que vous ne risquez pas d’avoir d’en avoir… des problèmes. » C’est absurde, mais c’est légal…
En tant que patiente, que pensez-vous que la filière pourrait faire de plus pour améliorer vos soins et votre expérience ?
J’aurai du mal à répondre à cette question car vous faites déjà beaucoup.
Contribuer à informer les sociétés d’assurances et leurs médecins, par exemple, sur ce que sont vraiment nos maladies, faire de la pédagogie, inciter à ce que les patients soient considérés comme des personnes avec un parcours unique, complexe, particulier, à ne pas évacuer d’un revers de la main. Faire assimiler la notion d’incertitude dans cette bureaucratie du surcontrôle.
Par ailleurs, pour tenir la distance d’une maladie chronique, garder une bonne santé mentale reste un levier essentiel. J’ai le sentiment qu’il n’y a pas encore assez de proposition d’accompagnement gratuit et/ou remboursé en psychothérapie sur le long terme pour les patients. Pour ma part, chercher à trouver du sens et à mieux comprendre mes pathologies m’a permis de me réapproprier mon corps et mon histoire avec sérénité. Peut-être que Hépatik Girl saura aider, à sa manière, tout un chacun dans sa propre quête.
Quels sont vos espoirs et attentes pour l’avenir en ce qui concerne la sensibilisation aux maladies rares et la recherche sur ces maladies ?
Mes attentes sont surtout politiques. Il me semble urgent que notre pays, et que les sociétés occidentales en général, aient une véritable approche systémique de la santé. Nous savons aujourd’hui à quel point l’environnement joue un rôle important dans le développement de nombreuses maladies. Il est donc urgent de prendre le problème dans sa globalité, de prendre conscience que prendre soin de la Terre, c’est prendre soin de nos corps. Cela passe aussi et évidemment par donner les moyens nécessaires à l’Hôpital Public et à la recherche. Prendre soin du service public c’est assurer la bonne santé physique et mentale d’un pays.
Les premières représentations de Hépatik Girl :
- Vendredi 9 et Samedi 10 Juin 2023 à 19h et Dimanche 11 Juin 2023 à 17h au Studio Hébertot dans le cadre du Phénix Festival (Paris)
- du 7 au 29 juillet 2023 à 11h20 au Théâtre La Factory – Chapelle des Antonins dans le cadre du Festival Le Off d’Avignon
Pour suivre toute l’actualité du spectacle : https://www.marieclaireneveu.com/hepatik-girl