Interview du Dr Véronique Barbu, coordinatrice du réseau national « Cholestases et cholélithiases héréditaires »
Dans le contexte de la mise en place des plateformes pilotes du plan France Génomique 2025, les professionnels concernés des filières se réunissent le 28 septembre dans l’objectif de se positionner vis-à-vis des indications et du circuit de prescription des tests génétiques. À cette occasion, nous avons interviewé le Dr. Véronique Barbu, coordinatrice du réseau national « Cholestases et cholélithiases héréditaires », qui représentera à cette réunion, avec le Dr. A. Spraul et le Pr. Gonzales (KB), la filière Filfoie.
Le Dr Véronique Barbu est Médecin Biochimiste, Biologiste moléculaire et travaille au Pôle de Biologie Médicale & Pathologie dans le Laboratoire Commun de Génétique et Biologie Moléculaires (LCBGM) de l’Hôpital Saint Antoine. De par sa fonction MCU-PH, elle exerce sa fonction d’enseignante à la Faculté de Médecine Sorbonne -Université et de recherches au Centre de Recherche de Saint Antoine (INSERM) dans l’équipe du Pr Chantal Housset à Paris. Le LCBGM est laboratoire référent du Centre de Référence des Maladies Inflammatoires des Voies Biliaires et Hépatites Auto-immunes (MIVB-H). Elle coordonne également depuis 2006 le réseau national des Maladies Métaboliques Hépatiques dont le sous réseau « Hereditary Cholestasis and choleLithiasis (HCL) » qui regroupe 5 laboratoires de diagnostic moléculaire spécialisés dans la recherche des anomalies des gènes codant les transporteurs des constituants de la bile (Kremlin Bicêtre, Lille, Paris Cochin, Paris St Antoine, et Tours).
1) Pouvez-vous nous expliquer quelle est l’activité de votre laboratoire et décrire votre rôle ?
Depuis Septembre 2005, au sein du laboratoire LCGBM, je suis devenue responsable, du Pôle des maladies hépato- biliaires (gènes de l’hémochromatose génétique et des transporteurs des constituants de la bile, etc.). J’ai développé des outils de séquençage performants en utilisant les techniques de nouvelles générations (Séquençage de Nouvelle Génération, (NGS) ; Quantification de l’expression de ces gènes par des techniques quantitatives de Real Time RT- PCR). L’activité du Laboratoire portant sur ces pathologies hépato- biliaires s’est vue augmenter de façon exponentielle : par exemple en 2017, nous avons reçu 670 prélèvements et demandes pour les transporteurs hépato biliaires. Le développement du panel ciblé de 10 gènes de NGS que j’ai réalisé, permet à l’heure actuelle d’étudier les principaux gènes impliqués dans les « Cholestases et choleLithiases Intra- hépatiques Héréditaires » de l’Adulte. Les prélèvements proviennent de la France entière (35% Ile de France, 60% des autres régions, et 5% de l’étranger).
2) Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le diagnostic des MR du foie ?
Les difficultés rencontrées sont liées non pas à la nouveauté des techniques de séquençage mais au manque de moyens humains nécessaires pour absorber une telle activité. Nos gènes des transporteurs des constituants de la bile n’ont pas de « hot spots » c’est à dire de variants (mutations) définis retrouvés avec une fréquence importante mais au contraire tous nos variants sont répartis sur l’ensemble des gènes. Leur interprétation nécessite une validation par une autre technique (Sanger, QPCR, MLPA) et une mise à jour bibliographique qui nécessite quelques logiciels de Bio-Informatique. Donner un résultat qui implique une étude familiale n’est pas sans conséquence thérapeutique et appelle à une grande prudence. Un résultat peut être rendu dans un délai de 3 mois mais actuellement l’attente est d’un an en moyenne au LCBGM voire beaucoup plus long si le prélèvement n’était pas conforme ou n’entrait pas dans un cadre suffisamment bien défini pour être priorisé. La raison principale de ces délais est le manque de personnels habilités alors que les demandes ont explosé de 400 en 2011 à 670 en 2017 ! Le retard acquis est alors difficilement rattrapé !
3) Vous coordonnez le réseau HCL (Hereditary Cholestasis and choleLithiasis) : Quelle est son organisation/composition / en quoi consiste-il et quels sont ses objectifs ?
Le réseau national « Hereditary Cholestasis and choleLithiasis » que je coordonne depuis 2006 regroupe 5 laboratoires de diagnostic moléculaire, spécialisés dans la recherche des anomalies des gènes codant principalement les transporteurs hépato-biliaires des constituants de la bile. En plus du séquençage classique Sanger, ces laboratoires ont implémenté dans leur activité de diagnostic moléculaire la technique du Next Generation Sequencing (NGS) permettant ainsi d’étudier des panels de plusieurs dizaines de gènes jouant un rôle dans la fonction hépato-biliaire.
Ce réseau se réunit au moins une fois par an, cela a contribué à une base commune de données présentées dans des Congrès Nationaux et Internationaux (Assises de Génétique ; European Study of Human Genetics ; American Association of the Study of Liver Disease ; European Association of the Study of the Liver). Le réseau a mis en place un contrôle de qualité spécifique pour le gène principal de ces pathologies (ABCB4). Il permet également de faire le lien avec les équipes INSERM de recherche cognitive afin de colliger des données Phénotypes Génotypes anonymes et des études fonctionnelles des variations de séquence en vue de thérapeutique ciblée.
La liste et les coordonnées de ces laboratoires sont consultables ici : https://www.filfoie.com/filiere-filfoie/les-acteurs-de-la-filiere/laboratoires-de-genetique/
4) Quelles sont vos activités de recherche autour de ces maladies s ?
Nous appartenons à l’équipe « Maladies Fibro- Inflammatoires d’Origine Métabolique et Biliaire du Foie » du CRSA (Unité INSERM UMR-S938). Nous collaborons plus spécialement avec le groupe (Jean Louis Delaunay ; Tounsia Ait Slimane) qui étudie la fonctionnalité des variants du gène ABCB4 et de la réponse aux thérapeutiques permettant la « restauration » de la protéine MDR3 dans les compartiments cellulaires adéquats (membrane plasmique du pôle canaliculaire de l’hépatocyte). Ces recherches ont donné lieu à plusieurs publications, à des communications orales et à des posters affichés dans des congrès nationaux et internationaux.
5) Vous allez représenter Filfoie avec le Dr Anne Spraul (hôpital Kremlin-Bicêtre) lors de la journée inter-filières sur les indications et les circuits de prescription dans le cadre de la mise en place de plateformes pilotes du plan France Médecine Génomique 2025. Pouvez-vous nous dire quels sont les enjeux et quelles questions seront discutées lors de cette journée ?
Dans le contexte du plan France Médecine génomique, deux plateformes vont être mises en place (SeQOIA en Ile-de-France et AURAGEN en région Auvergne-Rhône Alpes) qui permettront le séquençage du génome entier, on parle de WGS (Whole Genome Sequencing).
Une réunion inter-filières est apparue comme indispensable pour mener une réflexion sur la question du circuit de prescription (orientation des demandes d’examens) et sur le rendu de résultats obtenus. Le choix des indications implique l’impact clinique pour le patient bien évidemment mais aussi la capacité à faire un retour au patient suivant un processus robuste et standardisé. Les besoins sont importants mais plusieurs difficultés et questions ont été soulevées : Dans quels cas pourrons-nous avoir recours à ces plateformes ? Quelles structure et organisation pour le rendu du WGS seront utilisées ? Y-aura-il assez de moyens en personnel pour l’interprétation des données ?
Tous ces points seront évoqués lors de cette journée et nous espérons que cette réflexion pour les maladies rares permettra d’alimenter le processus de la HAS (Haute Autorité de Santé) pour ces projets.