Interview du Dr Eléonora de Martin, hépatologue à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif)
L’étude Pro-Surfasa, portant sur la validation d’un score pronostique de la réponse au traitement par les stéroïdes dans l’hépatite auto-immune aiguë sévère, a obtenu un financement dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique National (PHRC-N) 2018. A cette occasion, nous avons interviewé l’investigateur coordinateur de l’étude, le Dr Eléonora de Martin de l’hôpital Paul Brousse.
Eleonora De Martin est hépatologue à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif), centre de référence constitutif du réseau des Maladies Inflammatoires des Voies Biliaires et Hépatites Auto-Immunes (MIVB-H). Elle travaille également dans l’unité mixte de recherche U1193 Inserm Université Paris-Sud.
1) Pouvez-vous nous décrire votre parcours et nous dire comment vous êtes-vous intéressée aux hépatites auto-immunes ?
Mon intérêt pour les maladies auto-immunes du foie et la transplantation hépatique a commencé pendant mon internat en hépatologie à l’université de Padova en Italie, mon pays d’origine. En France, j’ai réalisé un Master 2 de recherche en Immunologie (Université Paris XI) sous la supervision du Pr. JC. Duclos-Vallée, hépatologue au Centre Hépato-Biliaire (CHB), et du Dr E. Ballot, immunologiste à l’Hôpital Saint-Antoine. J’ai fait un stage dans le Laboratoire de Biologie et Pharmacologie Appliquée, ENS‐Cachan, CNRS sous la direction du Pr. M Buckle et Dr H. Leh pendant lequel j’ai étudié la cinétique de l’interaction antigène-anticorps chez les patients avec hépatite auto-immune (HAI) comparés aux patients avec lupus et aux sujets sains. J’ai poursuivi mes études sur le sujet pendant mon doctorat en science à l’université de Padova en collaboration avec le CHB. En particulier, je me suis intéressée aux hépatites auto-immunes de novo post-transplantation (nouvellement déclarée) chez les patients ayant une récidive d’hépatite C. J’ai ensuite décidé de rejoindre définitivement l’équipe du CHB et j’ai voulu continuer ma recherche concernant les maladies auto-immunes du foie. Grace au soutien de la filière Filfoie, qui nous a fourni une technicienne de recherche clinique, j’ai pu réaliser une étude multicentrique (23 centres) rétrospective française SURFASA concernant les HAI aiguës sévères avec l’objectif d’identifier les facteurs prédictifs de survie et de réponse aux corticoïdes.
2) Quelles sont les spécificités de l’hépatite auto-immune aiguë sévère ?
Une présentation aiguë est présente chez 20-25% des patients. L’HAI aiguë peut correspondre à une exacerbation d’une hépatite chronique méconnue ou révéler une HAI. Lors du tableau initial, un sous-groupe de patients présente une hépatite sévère caractérisée par une altération de la coagulation (baisse du taux de prothrombine et Facteur V et augmentation de l’INR). Dans certains cas, ce tableau peut évoluer vers celui d’une hépatite fulminante avec la nécessité d’une transplantation en urgence.
Le diagnostic d’HAI est évoqué devant la positivité d’anticorps anti-tissus (anticorps anti-nucléaires et anti-muscle lisse, ou anti-liver-kidney ou anti-soluble-liver-antigen/liver pancreas) les valeurs élevées d’immunoglobuline G (IgG) et l’existence de caractéristiques histologiques évocatrices. Cependant le diagnostic reste difficile car les anticorps anti-tissus peuvent ne pas être détectés chez 25%-40% des patients et la concentration sérique des IgG peut être normale chez 20%-30% des patients. De plus l’aspect histologique dans le cadre de l’HAI aiguë sévère peut-être différent de celui d’une HAI classique car une nécrose importante peut masquer les caractéristiques typiques. L’infiltrat inflammatoire et la nécrose sont souvent présents dans la région centro-lobulaire comme rapportés par plusieurs études.
3) Pouvez-vous nous décrire l’objectif de l’étude Pro-Surfasa qui a reçu le financement PHRC?
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer de façon prospective un score, construit grâce à l’étude rétrospective SURFASA, pour prédire la réponse aux corticoïdes des patients ayant une hépatite auto-immune aiguë sévère. Ce score permet d’identifier les patients répondeurs au traitement par corticoïdes et les patients non-répondeurs pour qui la poursuite du traitement est inutile et délétère. Les patients non répondeurs doivent être rapidement évalués pour une transplantation hépatique.
4) Combien de centres participent à cette étude ?
Nous avons prévu d’ouvrir 32 centres français pour un total de 150 patients inclus sur 3 ans. La plupart des centres sont des centres de transplantation hépatique ou des centres de compétence du réseau des MIVB-H de la filière Filfoie.
5) Quelles sont les autres études qui sont en cours dans votre centre?
Au CHB nous participons à une étude collaborative européenne concernant la caractérisation et comparaison des hépatites auto-immunes cholestatiques et des hépatites aiguës toxiques (DILI= drug induced liver injury) cholestatiques.
Il y a aussi en cours une étude rétrospective sur la récidive de la cholangite biliaire primitive en post-transplantation hépatique visant à identifier les facteurs prédictifs de non-réponse à l’acide ursodésoxycholique dans cette population.
6) Quelles sont les perspectives de recherche?
Une fois que le score de réponse aux corticoïdes pour les patients ayant une HAI aiguë sévère sera validé à l’échelle nationale, nous envisageons une validation européenne pour une utilisation dans la pratique clinique. Parmi nos objectifs il y a la participation aux études multicentriques du groupe international d’HAI (IAIHG).