Interview de Pierre-Emmanuel Rautou, hépatologue à Beaujon
Le 22 décembre 2017, le projet APIS, portant sur l’étude des effets de l’administration de l’anticoagulant Apixaban chez des patients avec une hypertension portale intrahépatique non cirrhotique, a obtenu un financement dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique National (PHRC-N). À cette occasion, nous avons interviewé l’investigateur coordinateur de l’étude, le Pr Pierre-Emmanuel Rautou de l’Hôpital Beaujon.
Pierre-Emmanuel Rautou est hépatologue au centre de référence des maladies vasculaires du foie et responsable de l’unité d’hémodynamique hépatique du service d’hépatologie de l’hôpital Beaujon (Clichy). Il est professeur d’hépatologie à l’université Paris Diderot et fait également partie de l’Unité Inserm 970 au « Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris » dans une équipe qui étudie la physiopathologie de l’endothélium.
1) Comment vous êtes-vous intéressé à la thématique des maladies vasculaires du foie ?
J’ai commencé à m’intéresser aux maladies vasculaires du foie lors mon internat en hépatologie et gastroentérologie à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). J’ai en effet travaillé, lors de mon doctorat en médecine, sur les thromboses des veines hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) sous la direction du Pr Dominique Valla. Nous avons notamment montré qu’il n’y a pas lieu de contrindiquer la grossesse chez les malades atteints de syndrome de Budd-Chiari qui sont majoritairement des femmes jeunes. Puis, j’ai poursuivi sur des aspects plus fondamentaux en effectuant mon doctorat en sciences au sein du laboratoire des Drs Alain Tedgui et Chantal Boulanger à l’Unité Inserm 970. J’y ai étudié les effets biologiques des microparticules humaines sur les cellules endothéliales. Après avoir obtenu mon doctorat en biologie vasculaire et hémostase en 2011, j’ai voulu poursuivre dans la même voie et j’ai eu l’opportunité de rejoindre le laboratoire de Pr Nigel Mackman en Caroline du Nord aux Etats-Unis où je me suis intéressé au rôle du facteur tissulaire dans les maladies chroniques du foie. À mon retour en France, et dans la continuité de mon parcours, j’ai donc rejoint le centre de référence du réseau des maladies vasculaires du foie à l’hôpital Beaujon à Clichy.
2) Pouvez-vous nous décrire l’objectif de l’étude APIS qui a reçu le financement PHRC ?
Les deux principales complications de l’hypertension portale intrahépatique non cirrhotique sont l’hémorragie digestive et la thrombose porte. Un tiers des malades va développer une thrombose de la veine porte, et cette proportion est encore plus importante chez les patients infectés par le VIH, dont 80% vont souffrir de cette complication. On se demande donc s’il ne faut pas prescrire des anticoagulants, et notamment des anticoagulants oraux, pour prévenir cet évènement qui pourrait majorer l’hypertension portale et empêcher une future transplantation hépatique.
C’est l’objet du projet APIS. L’étude analysera pendant 2 ans les effets d’Apixaban versus placebo sur une population de 166 malades. Le critère principal d’évaluation de l’étude sera la survenue ou l’extension de thrombose chez ces malades.
3) Combien de centres participent à cette étude ?
Nous avons prévu d’ouvrir 15 centres sur toute la France avec pour objectif d’inclure 166 patients au total. La quasi-totalité des centres participants à l’étude sont des centres de compétence du réseau des maladies vasculaires du foie et membres de la filière Filfoie.
4) Quelles sont les autres études qui sont en cours dans le réseau ?
L’étude RIPORT est toujours en cours, son objectif est de tester l’efficacité d’un traitement anticoagulant (Xarelto®) chez les patients présentant une thrombose de la veine porte sans risque élevé de thrombophilie. L’inclusion de malades dans cette étude est terminée, mais le suivi des malades continue et l’analyse des premiers résultats devrait bientôt paraître.
Par ailleurs, nous menons d’autres études multicentriques pour mieux caractériser l’hypertension portale intrahépatique non cirrhotique : la première vise à déterminer l’évolution des grossesses chez les dames atteintes de cette maladie ; la deuxième a pour but de déterminer si effectuer une intervention chirurgicale chez ces malades est associé à un sur-risque de complications post-opératoires.
5) Quelles sont les perspectives de recherche ?
Nous envisageons de mettre en place une étude pour évaluer l’efficacité des nouveaux anticoagulants oraux directs (DOACS) chez tous les malades des vaisseaux du foie : ceux atteints de thrombose porte aiguë, thrombose porte chronique et syndrome de Budd-Chiari. Les discussions sont encore au stade préliminaire, mais nous souhaiterions candidater au prochain PHRC 2018 et impliquer fortement les centres de compétence.
6) Quel soutien vous apporte Filfoie dans vos activités de recherche ?
Actuellement, une aide est apportée par les ARC (attachés de recherche clinique)/ TEC (techniciens de recherche clinique) Filfoie pour le recueil des données dans le cadre de l’étude RIPORT. Ceux-ci vont également aider à identifier les patients qui pourront participer à l’étude APIS.
Par ailleurs, l’équipe Filfoie nous apporte une aide dans l’identification des appels à projets pouvant nous intéresser mais aussi dans la constitution des dossiers à monter en réponse à ces appels, comme par exemple, tout récemment à la rédaction des lettres d’intention pour le projet DOACS.