Hépatite auto-immune
L’hépatite auto-immune se définit comme une maladie inflammatoire chronique du foie de cause inconnue, pouvant survenir à tout âge. En l’absence de traitement, cette inflammation peut être responsable de nécrose, de fibrose et de cirrhose. L’hépatite auto-immune est associée presque toujours à des anomalies de l’immunité sous forme d’auto-anticorps, d’augmentation des gammaglobulines sériques.
Dernière caractéristique : la sensibilité de l’inflammation hépatique aux médicaments immuno-suppresseurs, tout particulièrement aux corticostéroïdes.
La ou les causes de la maladie sont inconnues. Autrement dit, pour faire le diagnostic, les causes habituelles d’inflammation hépatique doivent être écartées.
On estime actuellement que le mécanisme déclenchant l’apparition de l’hépatite auto-immune nécessite des facteurs déclenchants et un terrain de susceptibilité génétique particulier.
Les facteurs déclenchants sont très probablement des virus. Les arguments sont les suivants :
1) de nombreux virus en particulier les virus hépatotropes (ceux qui se multiplient dans le foie) déclenchent fréquemment des phénomènes d’auto-immunité ressemblant aux phénomènes d’auto-immunité observés dans l’hépatite auto-immune ;
2) certains cas d’hépatite auto-immune vrais sont précédés d’infections virales telles que la rougeole, les infections à cytomégalovirus ou à Epstein Baar virus mais aussi des infections par le virus de l’hépatite A ou C ;
3) d’autres facteurs déclenchants classiques sont les médicaments. En effet, certains médicaments ont été rendus responsables d’atteinte hépatique mimant tout à fait une hépatite auto-immune.
Cela a été le cas en particulier de l’oxyphenisatine, médicament utilisé dans le traitement de la constipation, certains médicaments hypertenseurs, le plus connu ayant été l’acide tienilique, médicament retiré du commerce depuis plusieurs années pour cette raison. Plus récemment, certaines statines, certains antibiotiques, certains anti-inflammatoires ont été tenus pour responsables d’atteintes hépatiques mimant les hépatites auto-immunes.
Cependant, dans toutes ces situations, l’arrêt du médicament a toujours été accompagné de la régression des signes d’hépatite auto-immune.
Le deuxième facteur important dans le déclenchement de la maladie est la susceptibilité génétique.
L’un des systèmes qui contrôle l’immunité est le système des gènes HLA (Human Leucocyte Antigen). Il s’agit d’un ensemble de gènes, présents sur le chromosome 6 au sein d’un complexe dit « complexe majeur d’histocompatibilité).
Ce système présente une variabilité génétique considérable. Il comporte une très grande quantité de gènes codant pour des protéines, dont le rôle est de présenter au système immunitaire (les lymphocytes, les macrophages), les molécules appartenant à des virus, des bactéries ou des xénobiotiques.
Autrement dit, si la protéine ou un peptide HLA caractéristique d’un individu est incapable de présenter correctement au système immunitaire un peptide d’origine microbienne, la réaction immunitaire ne se fera pas ; de ce fait, l’inflammation ne se produira pas.
En revanche, la situation inverse peut être imaginée, certains individus ont des molécules HLA très performantes capables de présenter des peptides microbiens au système immunitaire. Dans cette situation, le système immunitaire répondra de façon optimale et permettra l’élimination définitive du peptide microbien.
Dans les situations intermédiaires, on peut imaginer que l’antigène microbien sera présenté de telle manière que la réaction du système immunitaire sera déclenchée mais insuffisante pour éliminer définitivement l’antigène. Dans cette situation, une réaction inflammatoire chronique se créée : c’est l’hépatite auto-immune chronique.
Certaines molécules HLA (dites HLA DR3, DR4) sont typiquement associées à l’hépatite auto-immune. Le groupe HLA DR3 est associé fréquemment à des hépatites sévères, les molécules HLA DR4 à des hépatites moins sévères.
Comme on l’a vu plus haut, on voit que le système immunitaire lui même – indépendamment des molécules HLA – a un rôle crucial. Un système immunitaire paralysé tel que l’on le voit dans certains déficits immunitaires, primitifs ou acquis (acquis signifie du fait de l’administration d’une chimiothérapie, d’un traitement immuno-suppresseur) protège contre le déclenchement de l’autoimmunité.
Des arguments récents sont apportés par des études in vitro et in vivo montrant que certaines populations de lymphocytes appelés CD4+ CD25+, lymphocytes régulateurs pourraient être en cause dans la survenue d’auto-immunité. Cela a été montré dans une maladie auto-immune comme le lupus érythémateux disséminé et également l’hépatite auto-immune.
L’hépatite auto-immune est plus fréquente chez les femmes que les hommes. Cependant, elle survient dans les deux sexes, touchant tous les groupes ethniques survenant aussi bien dans l’enfance qu’à l’âge adulte.
L’hépatite auto-immune peut être diagnostiquée dans diverses circonstances. Schématiquement, le diagnostic se pose devant l’élévation fluctuante et chronique de l’activité sérique des transaminases.
L’augmentation sérique des transaminases a été notée parce qu’un examen de sang systématique a été effectué ou parce que certains symptômes ont attiré l’attention, tels qu’une fatigue. Dans 10 à 15% des cas, les patients se présentent avec une atteinte hépatique importante caractérisée par une jaunisse et une augmentation considérable de l’activité sérique des transaminases et un taux de prothrombine bas faisant suspecter une hépatite fulminante.
On apprend aux étudiants et aux spécialistes en formation que l’hépatite auto-immune est un diagnostic d’exclusion mais qui doit être évoqué à chaque fois devant une élévation des transaminases car méconnaître ce diagnostic peut être fatal pour le patient, alors qu’un diagnostic précoce, compte tenu de l’efficacité des corticostéroïdes et des immuno-suppresseurs, entraîne la guérison.
Chez un patient ayant une élévation chronique modérée des transaminases, le diagnostic repose sur les 3 éléments suivants :
1) il n’existe aucune cause habituelle à cette élévation de transaminases : pas de prise de médicaments, pas de prise de toxiques, pas de maladie virale connue en particulier, les marqueurs des hépatites virales B et C sont absents, il n’y a pas de maladie métabolique génétique (déficit en alpha1 antitrypsine, maladie de Wilson, hémochromatose, …) ;
2) il existe une élévation des gammaglobulines et en particulier des immunoglobulines G au dessus de 1,2 fois la limite supérieure de la normale du laboratoire. Cependant, dans 10% des cas, cette augmentation n’est pas notée ;
3) il existe des autoanticorps chez la majorité des patients. Deux faits importants doivent être notés. Ces autoanticorps sont détectés par des méthodes d’immunofluorescence effectuées dans certains laboratoires spécialisés.
Les autoanticorps détectés par immunofluorescence sont les anticorps antinucléaires, les anticorps anti-muscle lisse, les anticorps anti-LKM (ou anticorps anti-liver kidney microsome). La méthode d’immuno-fluorescence détecte également les anticorps anti-mitochondries. Certains anticorps ne sont pas détectés par les méthodes d’immunofluorescence. Autrement dit, certaines techniques particulières doivent être utilisées.
Ces anticorps sont les anticorps dits anti-SLA pour « Soluble Liver Antigen ». Ces anticorps sont détectés par des méthodes Elisa ou de Western Blot. Dans 10% des cas, ces anticorps sont les seuls à être détectés dans les hépatites auto-immunes. Autrement dit, des résultats négatifs par immuno-fluorescence ne signent pas nécessairement l’absence d’hépatite auto-immune.
En fonction de ce type d’anticorps, de l’âge de survenue, il est possible de distinguer 2 grands types d’auto-immune : l’hépatite de type 1 caractérisée par la présence d’anticorps anti-actine, d’anticorps anti-SLA. Ce type d’hépatite auto-immune survient à tout âge mais tout particulièrement chez l’adulte. La réponse au traitement par les corticostéroïdes est très fréquente.
L’hépatite auto-immune de type 2 se caractérise par la présence d’anticorps dirigés contre le réticulum endosplasmique (anticorps anti-liver microsome ou LKM et anticorps anti-liver cytosol). Ce type d’hépatite survient quasi exclusivement chez l’enfant, exceptionnellement après la puberté. La maladie est en général plus sévère et répond moins bien à l’administration de corticostéroïdes et d’immunosuppresseurs.
Si le diagnostic d’hépatite auto-immune n’est pas effectué rapidement, si le diagnostic est tardif, une cirrhose peut s’installer (la cirrhose est un état irréversible du foie caractérisée par une fibrose hépatique importante et une désorganisation de l’architecture qui rend le foie incapable de fonctionner normalement) ou un hépatite grave pouvant entraîner la mort. Dans ces deux situations, la transplantation hépatique devient le seul recours à court ou à long terme.
La biopsie hépatique est un examen essentiel dans le diagnostic de l’hépatite auto-immune, nécessaire pour le diagnostic initial, les lésions sont en effet caractéristiques : elles se situent dans le lobule hépatique, tout autour de l’espace porte et créée ce que l’on appelle une hépatite interface encore appelée piecemeal necrosis. La persistance de l’inflammation dans l’espace porte et dans la zone péri-portale est le seul élément qui permet de juger de la durée du traitement (traitement à vie ou non).
Syndrome apparenté, encore appelé variant syndrome ou overlap syndrome (en français, syndrome de chevauchement). Dix à 15% des cirrhoses biliaires primitives sont associées à des signes évidents d’hépatite autoimmune. La reconnaissance de ces formes est essentielle car leur traitement repose à la fois sur le traitement de la cirrhose biliaire primitive par l’acide ursodésoxycholique et par le traitement de l’hépatite auto-immune par des corticostéroïdes ou des immuno-suppresseurs.
Les critères diagnostiques de cette variante sont les suivants : en premier lieu, il s’agit des critères principaux d’hépatite auto-immune, à savoir :
1) élévation de l’activité des transaminases supérieure à 5 fois la limite supérieure de la normale, et ceci malgré un traitement continu par l’acide ursodésoxycholique ;
2) élévation des immuno-globulines supérieure à 20 g/l ou la présence d’anticorps anti-muscle lisse sous la forme d’anticorps antiactines ou d’anticorps antiSLA ;
3) existence d’une hépatite interface caractéristique de l’hépatite auto-immune.
Tous les critères de cirrhose biliaire primitive doivent être réunis, à savoir :
1) un syndrome biochimique de cholestase (élévation des phosphatases alcalines supérieur à 2 fois la limite supérieure de la normale) ;
2) la présence d’anticorps antimitochondries ;
3) l’existence d’une cholangite destructrice lymphocytaire lors d’examen histopathologique du foie. Le plus souvent, les deux maladies s’expriment en même temps. Plus rarement, l’hépatite auto-immune survient quelques mois à plusieurs années après le diagnostic de cirrhose biliaire primitive. Dans ce cas, le diagnostic d’hépatite auto-immune est souvent méconnu, l’évolution étant considérée comme une aggravation de la cirrhose biliaire primitive, justifiable de transplantation hépatique.
L’hépatite auto-immune est associée à une cholangite sclérosante primitive dans 10 à 20% des cas. Cette situation est plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte.
Le diagnostic ne peut être porté que s’il existe, lors de la cholangiographie ou lors de l’IRM des voies biliaires, des lésions fibro-oblitératives visibles.
Cela implique que toute hépatite auto-immune doit avoir dans son bilan initial et lors de son suivi une IRM des voies biliaires. Cette notion est récente. L’attitude est justifiée car l’IRM des voies biliaires est un examen simple et non invasif, contrairement à la cholangiographie per-endoscopique qui était le seul possible il y a quelque temps.
Le traitement de l’hépatite auto-immune repose sur l’administration de prednisolone seule ou en combinaison avec l’aziathoprine ou le mycophénolate mofétil. Ces deux derniers médicaments permettent une diminution rapide et un arrêt de la corticothérapie.
L’azathioprine et le mycophénophénolate mofétil sont le traitement de fond de la maladie. Il permet d’éviter les complications au long cours de la corticothérapie, en particulier l’ostéoporose.
Les doses initiales de prednisone sont en moyenne de 20 à 50 mg par jour, et de 1 à 2 mg par kilo de poids corporel chez l’enfant. Lorsque la combinaison des corticoïdes et de l’aziothioprine est utilisée, en traitement de fond, les doses journalières sont de l’ordre de 10 mg et 50 à 200 mg.
Une fois la normalisation des transaminases et des immunoglobulines obtenue, la corticothérapie peut être arrêtée (généralement après deux ans de traitement) et l’aziathioprine et le mycophénolate mofétil doivent être poursuivis à doses respectives de 50 à 200 mg par jour et à 1 à 2 g par jour.
Dans les situations où il existe une résistance à la corticothérapie, l’administration de ciclosporine peut être tentée. Elle a permis d’obtenir des rémissions complètes.
Les syndromes de chevauchement ou overlap syndrome relèvent à la fois de l’administration d’acide ursodésoxycholique et de corticostéroïdes en association à l’aziathioprine ou au mycophénolate mofétil.
L’hépatite auto-immune est une maladie inflammatoire du foie pouvant survenir à tout âge.
Source :
Centre de référence des maladies inflammatoires des voies biliaires, Hôpital Saint Antoine, Paris
Pour en savoir plus sur cette maladie vous pouvez consulter les liens suivants :
Cette maladie est prise en charge par le réseau Maladies Inflammatoires des Voies Biliaires et Hépatite Auto-Immune.