Interview du Dr Aurélie Plessier et de Julie Devictor, Infirmière de Pratique Avancée
À l’occasion de notre 16e newsletter, nous avons interrogé le Dr Aurélie Plessier et Julie Devictor, Infirmière de Pratique Avancée, au sujet de l’Infirmière de Pratique Avancée, de son rôle, et de son possible apport aux Maladies Rares.
Le Dr Aurélie Plessier est coordinatrice du Centre de Référence des Maladies Vasculaires du Foie à l’Hôpital Beaujon, Julie de Victor est Infirmière de Pratique Avancée. Nous leur avons posé des questions au sujet de l’IPA, l’Infimière de Pratique Avancée, à l’occasion de notre 16ème Newsletter.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Dr Aurélie Plessier :
Je suis médecin praticien hospitalier, responsable du centre de référence des maladies vasculaires du foie. J’ai pu constater les difficultés des patients atteints de maladies vasculaires du foie à comprendre et adhérer à leur parcours de soin complexe . En effet, Le parcours de soin complexe commence par une errance diagnostique manifeste avec un diagnostic supérieur à 6 mois chez plus de la moitié des malades ayant une maladie vasculaire du foie. Des préjudices physiques, psychiques et un comportement inadapté de l’entourage liés à l’errance diagnostique sont rapportés chez plus de 60% des malades atteints de maladie rare. Enfin, l’errance diagnostique ne s’arrête pas au diagnostic de la maladie rare, mais peut aussi concerner des maladies rares associées (fréquentes) ou des complications rares (HPN et maladies vasculaires du foie, maladie de Behcet et maladies vasculaires du foie, cholangite sclérosante primitive et MICI, cholangite biliaire primitive et sclérodermie, atrésie des voies biliaires et fistule congénitale, thrombose porto mésentérique et insuffisance intestinale, hépatite auto immune et pancréatite auto immune…)
Une étude de qualité de vie réalisée auprès de malades atteints de maladies vasculaires du foie stabilisée a montré que la souffrance morale de ces malades était significativement très supérieure à celle de la population générale, mais aussi à des pathologies chroniques cardiaques, des cancers, et finalement proche de patients ayant 4 maladies chroniques. Pour autant, dans cette étude, 80% des patients ont entre 16 et 59 ans, 54% ont une activité professionnelle, 76% sont mariés.
Cette souffrance peut s’expliquer par la difficulté du parcours de soin de ces patients qui rencontrent de multiples intervenants, alors que justement, ils sont en pleine activité personnelle et professionnelle. Au cours de ce parcours, l’infirmière coordinatrice est un interlocuteur privilégié pour nos patients. Une enquête de satisfaction a montré que dans 90% des cas l’infirmière coordinatrice permettait une écoute respectueuse et avec une capacité soutenante et efficace sur la prévention.
Julie Devictor : Je suis infirmière depuis 15 ans. J’ai réalisé toute ma carrière en hépatologie à Beaujon, d’abord en hospitalisation puis comme infirmière de coordination du carcinome hépatocellulaire. Depuis juillet 2019, je suis infirmière en pratique avancée (IPA) mention oncologie.
Pouvez-vous nous parler du rôle de l’Infirmière de Pratique Avancée ?
Dr Aurélie Plessier : Il s’agit d’infirmières diplômées d’état ou certifiées qui ont acquis les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de leur métier, pratique avancée dont les caractéristiques sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer. Un master est nécessaire à ce jour, comme diplôme d’entrée. Il existe 40 années d’expérience aux Etats-Unis et au Canada anglophone. La pratique avancée est exercée à ce jour dans plus de 50 pays (Finlande, Pays-Bas, Australie, Suisse, etc.) avec 2 modèles : IPA praticienne (suivi clinique) et IPA clinicienne (missions transversales : coordination, formation, évaluation des pratiques).
Julie Devictor : L’IPA a d’abord un rôle de suivi de patients atteints de pathologies chroniques, néphrologiques, psychiatriques ou de cancers. Ce suivi leur est confié par un médecin, avec l’accord du patient, une fois que la situation clinique est jugée stable. L’IPA aura 3 rôles majeurs auprès des patients: le dépistage précoce des complications, l’éducation et l’orientation. En pratique, elle verra les patients lors de consultations longues (30 minutes à 1 heure) lors desquelles elle procèdera à un examen clinique et à un interrogatoire. Elle fera le point sur la situation sociale et psychologique du patient. Elle peut prescrire des examens de suivi (radiologique, biologique), renouveler ou adapter les ordonnances, prescrire des produits de santé qui ne nécessitent pas de prescription médicale ainsi que des dispositifs médicaux. Elle peut orienter le patient vers d’autres professionnels de santé si nécessaire. Tout ce rôle de suivi sera bien sûr coordonné avec l’ensemble des professionnels de santé intervenant auprès du patient. L’organisation du suivi entre le médecin référent et l’IPA doit être écrite et signée dans le cadre d’un « protocole d’organisation ».
L’autre rôle majeur de l’IPA, c’est de participer à l’amélioration des pratiques soignantes (recherche en soins, évaluations des pratiques professionnelles, veille scientifique, diffusion des données probantes, évaluation des besoins en formation des équipes, etc).
Quelle est la différence entre une Infirmière de Pratique Avancée et une Infirmière de Coordination ?
Dr Aurélie Plessier : L’IPA a 2 ans de formation théorique par un master supplémentaire et des stages ciblés. Elle est en mesure de prendre en charge des cohortes identifiées dans le suivi de maladies chroniques ciblées.
Julie Devictor : Les rôles de l’IPA et de l’infirmière de coordination sont complémentaires. Chaque structure organisera les fonctions de chacune selon les besoins et les organisations. Toutefois, l’IPA s’occupe du suivi global du patient confié par un médecin, en autonomie. Comme l’a précisé Aurélie, elle bénéficie d’une formation de 2 ans où par exemple, l’unité d’enseignement la plus conséquente est celle de la clinique. Elles apprennent à ausculter, palper, mener une consultation, etc. Elle a également un champs de son activité élargi par rapport à une infirmière de coordination avec la possibilité de prescrire. Dans le cadre de cette formation, des enseignements sont approfondis par apport à la formation initiale, comme en recherche ou en sciences infirmières par exemple.
Qu’apporterait la mise en place des IPA en hépatologie, et particulièrement dans les Maladies Rares du foie ? Pour le médecin ? Pour le patient ?
Aurélie Plessier et Julie Devictor : Nous pensons que l’IPA en complément du suivi médical aurait une autre approche qui devrait permettre une véritable amélioration de la qualité de vie du malade, afin de :
- Dépister plus précocement les complications
- Améliorer la compliance thérapeutique
- Diminuer l’anxiété des patients
- Améliorer l’accès aux soins
- Faciliter les liens entre les différents acteurs du parcours
- Améliorer la santé (bien être) des patients dans leur environnement familial, social et professionnel
- Favoriser la montée en compétences des professionnels soignants